Compositeur emblématique du romantisme français, Adolphe Adam fait valser dans Giselle l'élégance du ballet national et la vulnérabilité constitutive de l'expérience humaine.
L’essentiel
« Giselle condense tout ce qui était cher aux romantiques et au-dessus du bonheur humain. Sur le plan de la danse, cette œuvre cerne toutes les préoccupations des chorégraphes, de la narration, jusqu’à la magnifique abstraction des ensembles du second acte. C’est pourquoi Giselle peut être considéré comme le ballet des ballets ».
(Thierry Malandin, Paris Match, 2016)
L’histoire de Giselle répond parfaitement aux goûts de l’époque pour le fantastique qui caractérise la société postrévolutionnaire. Jeune paysanne, Giselle est amoureuse d’Albrecht et danse pour lui par amour. Mais ce dernier se fiance à la princesse Bathilde. Giselle se sent trahie, et perd la raison jusqu’à en mourir. La reine des Willis pour venger la mort de Giselle décide qu’Albrecht devra danser jusqu’à sa mort. Cependant, l’esprit de Giselle le sauvera par la force de l’amour.
Succès exceptionnel dès sa création en 1841 pour la scène de l’Académie Royale de Musique, Giselle constitue l’archétype du ballet romantique, tant par les thèmes explorés que les dispositions formelles adoptées : deux actes ramassés confondant pastorale, tragédie et fantastique pour dire l’amour exalté, le sacrifice rédempteur et la puissance surnaturelle du sentiment. Un chef d’œuvre aux images impérissables, né de l’enthousiasme d’un poète passionné de danse. Pour ce qu’il considère relever d’une « littérature en jambes », signe de sa sincère approbation, Théophile Gautier compose un livret d’une grande efficacité dramatique qui laisse tout le soin au langage chorégraphique et musical de développer leur densité propre. Jean Coralli et Jules Perrot créent ainsi avec le personnage de Giselle un rôle particulièrement exigeant sur le plan technique et théâtral, conférant à leur héroïne une large palette d'expressions. Atteignant à une véritable profondeur psychologique, Giselle constitue le cœur battant du ballet et d’une partition qui achève de cerner ses émotions au moyen des leitmotivs. Adolphe Adam est l’un des premiers compositeurs à y avoir recours pour caractériser les personnages et signe ici son meilleur ouvrage, alternant passages enthousiastes, moments d’apaisement, et lyrisme évidemment.
C’est aujourd’hui dans la version de Patrice Bart et d’Eugene Polyakov, fidèle à la chorégraphie originelle, que le ballet continue de dispenser les enchantements des willis.
« Parées de leurs habits de noces, des couronnes de fleurs sur la tête, des anneaux étincelants à leurs doigts, les willis dansent au clair de lune comme les elfes. […] À minuit, elles se lèvent, se rassemblent en troupes sur la grande route, et, malheur au jeune homme qui les rencontre ! Il faut qu’il danse avec elles ; elles l’enlacent avec un désir effréné, et il danse avec elles jusqu’à ce qu’il tombe mort. »
(Heinrich Heine, De l'Allemagne)
Après les scènes lumineuses et terrestres de la première partie, « l’acte blanc » de Giselle marque l’apogée d’une nouvelle esthétique, appelée par le caractère surnaturel de l’action et dont on retrouvera les traces dans Le Lac des cygnes ou La Bayadère à la fin du siècle. Aussi légères que les ombres qu’elles dispersent, les Willis composent dans le flou vaporeux des tutus, un cortège d’une grâce infinie. Arabesques aériennes, bras arrondis en couronnes, déplacements sur pointes, toute la chorégraphie concourt à une impression de flottement immatériel indispensable à la résurrection sur le plateau d’un merveilleux légendaire. Mais pour évanescentes qu’elles soient, les Willis n’en conservent pas moins une aura puissante, groupées derrière une reine altière et vengeresse. L’acte II offre à ce titre l’image d’un corps de ballet particulièrement uni, illustrant une communauté de destin tragique que sublime la transposition fantastique. De ces spectres chasseresses au fantôme protecteur de Giselle devenue allégorie du pardon, le ballet propose une typologie de figures féminines variée, toutes plus denses que ne le suggère la délicatesse de leur apparition première.
Soirée précédée du Défilé du Ballet, sur une musique d'Hector Berlioz, et de Requiem for a
Rose d'Annabelle Lopez Ochoa, interprété par le Junior Ballet sur une musique de Franz
Schubert*
BALLET EN DEUX ACTES, 1841
JEAN CORALLI, JULES PERROT
Reprise
ADOLPHE ADAM
ANDREA QUINN
LES ÉTOILES
LES PREMIÈRES DANSEUSES
LES PREMIERS DANSEURS
LE CORPS DE BALLET DE L'OPÉRA
Orchestre de l'Opéra national de Paris
2h10 avec 1 entracte
3h15 avec le Défilé du Ballet
* pour les dates précises de distribution et programmation, se référer au site internet de l'Opéra national de Paris.