La musique

Un torrent de frissons et de sensations, interprété par Nicolai Gedda et Mirella Freni, l’une des Mimì les plus émouvantes du XXe siècle.

L’essentiel

  • Un chef-d’œuvre universel au firmament de l’art lyrique.
  • Une mise en scène en apesanteur, étrange et poétique, autour du thème de la mémoire et de la nostalgie. Déboussolante mais stimulante.
  • Deux distributions réunissant talents confirmés et étoiles montantes du chant lyrique international, dont certaines font leurs débuts à l’Opéra national de Paris telles que Yaritza Véliz, Andrea Carroll ou encore Alexandros Stavrakakis.

L’argument

Quatre jeunes artistes sans le sou vivent au jour le jour, dans une mansarde, en attendant la chance qui leur apportera la gloire : Rodolfo le poète, Marcello le peintre, Schaunard le musicien et Colline le philosophe. Deux couples se forment, l’un tendre et mélancolique, l’autre comique : Rodolfo rencontre Mimi, petite cousette, tandis que Marcello renoue avec Musette, une jeune grisette, avec laquelle il ne cesse de se chamailler. Mimi, elle, est atteinte de la phtisie, et Rodolfo ne pouvant subvenir à ses besoins, les deux décident de se séparer. C’est pourtant dans les bras de son ancien amant que la jeune femme viendra expirer, sous le regard impuissant de leurs amis.

« La bohème – vie charmante et vie terrible, qui a ses victorieux et ses martyrs, et dans laquelle on ne doit entrer qu’en se résignant d’avance à subir l’impitoyable loi du vae victis. »   

(Scènes de la vie de Bohème, Henry Murger, 1851)

L’héritage 

Chronique d’une jeunesse éprise d’Idéal, mais finalement battue par les vicissitudes de la vie, La Bohème arpente un sentier bien connu, au moins depuis le roman-feuilleton autobiographique de l’écrivain français Henry Murger et de son adaptation théâtrale, d’après lesquels composent les librettistes de Puccini. Se souvenant lui-même de ses années de galère à Milan, ville des scapigliati, le compositeur signe son opéra le plus tendre, plein d’une mélancolie souriante. Un opéra d’atmosphère plutôt que d’intrigue, où comique et tragique s’entremêlent et où la poésie ne s’offusque pas du réel mais vient s’y couler, à la manière d’un métal précieux, pour donner leur forme aux sentiments et à la vérité des personnages.  Dès la séquence d’entrée de Mimi, Puccini déploie un style organique, où les airs nés des scènes intimistes viennent naturellement réchauffer des plus pures nuances lyriques des caractères croqués sur le vif dans des dialogues et des scènes de foule à la vivacité et à l’efficacité exemplaires. Complice des ambiances et des changements de décors qu’il signale par des figuralismes charmants, l’orchestre est un témoin attentif, au langage mobile et à l’écoute des personnages, soutenant leur fièvre miséreuse et leurs dissidences joyeuses, leurs murmures amoureux, leur emportement et leurs déchirures, ponctuant leurs respirations d’échos et de suggestions raffinés. Avec lui entrent l’air et la lumière, le brouhaha de la ville et de la vie, le froid et la neige aussi, sous laquelle persistent toujours la trace et la chaleur du souvenir. 

Certains ont dit de La Bohème qu’elle était une erreur, qu’elle aurait tôt fait d’appartenir au passé, recouverte par les saisons à venir. L’œuvre n’aura eu de cesse de revenir, conjuguée au présent ou au futur… Notre jeunesse peut ne durer qu’un temps, celle des chefs-d’œuvre est éternelle. 

« De même qu’on s’enivre à respirer l’odeur des roses fanées, de même Rodolphe s’enivrait encore en revivant par le souvenir de cette vie d’autrefois ».

(Scènes de la vie de Bohème, Henry Murger, 1851)

Le parti pris

Claus Guth choisit de regarder les tableaux de Puccini à une distance comparable à celle des personnages vieillissants du roman d’Henry Murger : le temps a déjà fait son œuvre, le petit Paris de la bohème n’est plus et c’est avec lui tout un monde que le metteur en scène imagine perdu. Dans un vaisseau spatial en perte de vitesse et de repères, confiné dans une immensité hostile, le présent des personnages est celui d’une catastrophe imminente, dont les événements se déploieront le temps de la représentation. En situation d’exil – intérieur ou réel, forcé ou peut-être souhaité ? – Rodolfo relate cette traversée dans un journal de bord dont l’écriture est bientôt troublée par les fantômes du passé. Parmi eux, la belle Mimi, l’amie, l’amante et la muse, par la grâce de laquelle le voyageur égaré – avatar commun du poète – peut lutter contre l’effacement des choses et des êtres et retrouver le chemin de son paradis perdu. L’essence de La Bohème est là, dans la manifestation, à l’approche de la mort, de cette jeunesse idéalisée qui ne se réalise jamais que dans la projection du souvenir, dans ce chant né de la perte avec lequel se confond finalement le poème. 

« Cette jeune femme, après tout, n’était-ce pas la poésie vivante et réelle, ne lui avait-il pas dû ses plus fraîches inspirations ? Ne l’avait-elle pas souvent initié à des enthousiasmes qui l’emportaient si haut dans l’éther de la rêverie qu’il perdait de vue les choses de la terre ? »

(Scènes de la vie de bohème, 1851)

Au cœur de la production 

Claus Guth fait cohabiter les temporalités de sa Bohème dans une scénographie aux lignes époustouflantes, empreinte d’une émouvante étrangeté, suspendue entre le désœuvrement et l’euphorie, le silence du monde et les voix du passé. Café, cabaret, fanfares, marchands, jongleurs : le Quartier latin et ses visions colorées fleurissent en plein désert galactique, entre les dunes enneigées de paysages lunaires et de satellites inhabités. Comme s’il fallait, en poète, se retrancher du monde pour découvrir en soi une autre vérité.

OPÉRA EN QUATRE TABLEAUX, 1896

En langue italienne

Mise en scène

CLAUS GUTH

Reprise (création : 2017)

Direction Musicale

DOMINGO HINDOYAN

Distribution*

NICOLE CAR / YARITZA VÉLIZ

MIMI

CHARLES CASTRONOVO / JOSHUA GUERRERO

RODOLFO

ANDREA CARROLL

MUSETTA

ÉTIENNE DUPUIS

MARCELLO

Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris

2h30 avec 1 entracte

*pour les dates précises de distribution, se référer au site internet de l'Opéra national de Paris.

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