Vidéo: © 2018 THIRTEEN Productions LLC & Lyric Opera of Chicago

Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck compte parmi les plus belles déclarations d'amour au chant de l'histoire de la musique occidentale. Il suit en effet le deuil et l'errance d'Orphée - chanteur et poète dont les sanglots donnèrent naissance au lyrisme - après la disparition prématurée de son épouse, Eurydice, ainsi que sa lutte acharnée pour la ramener à la vie depuis le royaume des morts : or par le biais de cette quête, c'est bien la question de l'expression de l'intime et de son adresse à autrui qui nous est posée. 

Car Orphée et Eurydice est résolument une œuvre à part : opéra militant, art poétique en quelque sorte de la révolution que son compositeur projetait pour l'art lyrique, il interroge à tous les niveaux de sa dramaturgie le fondement même de cette offrande musicale qu'est le chant. À travers l'interdiction fondamentale de toute communication entre les deux époux, à travers l'austérité et l'évidence de l'écriture de Gluck, si éloignée de toute fioriture et ornementation, l'opéra nous invite à considérer le concept même de lyrisme sous un jour nouveau. 

Et quel meilleur médium, pour incarner cette romance sans parole, que la danse ? Dans cette extraordinaire coproduction du Lyric Opera de Chicago et du Joffrey Ballet, le chorégraphe John Neumeier, bien connu du public parisien, s'engouffre dans cette brèche offerte par l'opéra-ballet de Gluck, comme avant lui notamment Pina Bausch. 

Rejoint par le ténor Dmitry Korchak dans le rôle d'Orphée, et des sopranos Andriana Chuchman et Lauren Snouffer dans les rôles respectifs d'Eurydice et d'Amour, il nous rappelle l'étonnante actualité de ce mythe issu du fond des âges, et nous enjoint à notre tour à célébrer la victoire renouvelée d'Eurydice, de la voix humaine et ultimement du genre lyrique lui-même sur l'amertume, la mort, et l'oubli. 

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