La musique

Pour préparer votre soirée, écoutez Herbert von Karajan diriger la délicieuse comédie de Verdi, avec Tito Gobbi dans le rôle-titre.

L’essentiel

• Le testament de Verdi : une œuvre jubilatoire, et une des meilleures adaptations lyriques  de Shakespeare.  

• Une mise en scène fidèle à la lettre du livret. Pour tout public.  

• Une troupe de chanteurs-acteurs habituée à ce type de répertoire et emmenée par  Ambrogio Maestri / Marie-Nicole Lemieux

« Il n'y a qu'une seule façon de finir mieux qu'avec Otello et c'est de terminer triomphalement  avec Falstaff : après avoir brisé tous les cris et les gémissements du cœur humain, finir avec un  énorme éclat de rire – qui étonnera le monde. »

(Lettre de Boito à Verdi, 1889)

L’argument  

Sir John Falstaff, dit aussi « il Pancione » (le ventru), doit trouver rapidement de quoi régler ses  dettes à l’auberge de la Jarretière où il mène une vie de jouisseur impénitent sans en avoir les  moyens. Le chevalier décide de séduire deux riches bourgeoises en leur adressant une lettre  d’amour aussi ridicule qu’enflammée. Alice Ford et Meg Page, ses victimes potentielles, veulent  tirer vengeance de cette supercherie qu’elles n’ont pas tardé à découvrir. De faux-semblants en  déguisements, le pauvre Falstaff va devenir le jouet de ces rusées commères tout en contribuant  à l’union de deux jeunes amoureux, Fenton et Nannetta, qu’un père autoritaire, Ford, cherche à  séparer. 

L’héritage  

« Les dernières notes de Falstaff. C'est fini ! Va, va, vieux John... Passe ton chemin, tant que tu le  peux... Drôle de coquin ; éternellement vrai, sous différents masques, en tout temps, en tout lieu  ! Va... Va... Marche, marche, marche... Au revoir !!! »

(Note de Verdi à son éditeur, 1892)

Présent depuis trois décennies dans la correspondance du compositeur, le personnage de  Falstaff offre à Verdi un triomphe longtemps espéré dans le registre comique. Sur le livret  particulièrement habile qu’écrit Boito, le compositeur adapte les aventures de cet anti-héros  shakespearien avec une verve musicale des plus jubilatoires, digne de Rossini et de Mozart.  Foisonnante et virtuose, menée tambour battant, la partition ne cesse de se réinventer pour  accompagner les bravades du chevalier, la ruse des commères, les déclarations émues des  jeunes amoureux ou la grand-messe d’un dernier acte plein de féerie. Verdi organise des  ensembles où priment une légèreté et une vivacité inouïes et fait de l’orchestre un commentateur  bavard de cette fable burlesque, s’attachant à souligner la duplicité des caractères. Témoignant d’un sens du détail sans précédent, le maître emploie tous ses talents au service du théâtre et du rire tonitruant de son matamore ; un rire auquel il cède avec autant de gaieté que de sagesse  puisqu’au fond « le monde est une farce, et l’homme né bouffon » (piste 21). À l’aube de ses 80 ans, Verdi  porte un regard tendre sur l’ivresse obstinée de ce vieux bougre que la joie de vie refuse de quitter. N’est-ce pas à ses ridicules prétentions que les autres personnages doivent d’avoir vécu les émotions d’une « folle journée » ? Avec Falstaff, sur une fugue qui le fait retourner dans un ultime pied de nez à la tradition classique, le cygne de Busseto signe ainsi un testament musical d’une  éclatante jeunesse, un bijou d’humour et de subtilité teintée d’une émouvante mélancolie.  

Le parti pris 

Proposant une lecture fidèle de l’œuvre, Dominique Pitoiset signe une mise en scène enlevée qui  parvient à rendre le fourmillement de l’intrigue. L’Angleterre du début XXe siècle dans laquelle il choisit de situer l’action lui permet de souligner les antagonismes sociaux du livret et fournit matière à des costumes au charme suranné, des chapeaux à plumes des bourgeoises aux  tabliers des « gens ordinaires ». Moteur de l’action, les femmes s’organisent ainsi dans un contexte qui rappelle leur lutte plus structurelle, au-delà de leur campagne contre l’entêté Falstaff ; le sabbat païen dans lequel elles l’entraînent au dernier acte se faisant plus ironique encore sur cette toile de fond historique. Avec une attention au détail consommée tant dans la direction d’acteur que dans le choix des accessoires et des objets présents sur scène – à l’image d’un trophée de chasse dont l’ombre plane sur le vieux Falstaff –, Dominique Pitoiset alterne entre des scènes bouffes et des instants plus réflexifs et parvient à rendre l’atmosphère douce amère de l’ouvrage, attentif à son tour à la part de sérieux contenue dans la farce. 

Au cœur de la production  

Alexandre Beliaev prend possession du plateau de Bastille pour y reproduire de hauts bâtiments  industriels de briquettes rouges associant la blanchisserie de Mrs Quickly à une Auberge de la Jarretière riche d’un parc automobile dernier cri. Dans ce décor à la fois unique et mobile, qui fait défiler au moyen de panneaux coulissants les différents lieux de l’action, Dominique Pitoiset donne à sentir toute l’effervescence d’une petite société et orchestre les dynamiques de groupe avec une grande fluidité.

COMMEDIA LIRICA EN TROIS ACTES, 1893

En langue italienne

Mise en scène

DOMINIQUE PITOISET

Reprise (Création : 1999)

Direction Musicale

MICHAEL SCHØNWANDT

Distribution

SIR JOHN FALSTAFF

AMBROGIO MAESTRI

MRS ALICE FORD

OLIVIA BOEN

MRS MEG PAGE

MARIE-ANDRÉE BOUCHARD-LESIEUR

FORD

ANDRII KYMACH

MRS QUICKLY

MARIE-NICOLE LEMIEUX

DOTTORE CAJUS

GREGORY BONFATTI

FENTON

IVAN AYON-RIVAS

NANNETTA

FEDERICA GUIDA

BARDOLFO

NICHOLAS JONES

PISTOLA

ALESSIO CACCIAMANI

Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris

2h40 avec 1 entracte

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