La musique

Pour préparer votre soirée, écoutez Maria Callas et Nicolai Gedda transcender l’opéra de Puccini dans notre playlist dédiée.

L’essentiel 

Madame Butterfly est un des chefs-d’œuvre incontournables du répertoire lyrique.  

• D’une très grande beauté formelle, la mise en scène de Bob Wilson est en parfaite adéquation avec l’esprit de l’œuvre.  

• Deux superbes pucciniennes – Eleonora Buratto en alternance avec Elena Stikhina –, dominent la distribution, sous la baguette d’une étoile montante de la direction musicale,  l’italienne Speranza Scappucci.

« Je ne suis pas fait pour les actions héroïques. J’aime les êtres qui ont un cœur comme le nôtre, qui sont faits d’espérance et d’illusions, qui ont des éclairs de joie et des heures de mélancolie, qui pleurent sans hurler et souffrent avec une amertume tout intérieure ».

(Puccini)

L’argument 

À Nagasaki, à la fin du XIXe siècle. Cio-Cio-San (Butterfly), geisha âgée de 15 ans, séduite par  Pinkerton, lieutenant de marine américaine, l’épouse. À peine le mariage célébré, l’officier s’en  retourne aux États-Unis et laisse la jeune femme derrière lui, reniée par sa famille pour avoir  abandonné sa religion première. Trois ans plus tard, Cio-Cio San refuse d’oublier celui dont elle a un fils, en dépit des avertissements du consul américain qui la presse de renoncer et attend désespérément le retour de Pinkerton. Celui-ci finit par advenir, mais la joie est de courte durée : Pinkerton s’est marié avec une autre, et ne revient que pour récupérer l’enfant afin de lui assurer un meilleur avenir. Cio-Cio-San accepte et se résout à la mort, reprenant le couteau de son père pour commettre après lui un hara-kiri.  

L’héritage 

« Durant des siècles, elles ont accompli tout l’amour, elles ont joué les deux parties du dialogue. Et d’entre elles ont surgi sous la pression de détresses sans fin, ces amantes inouïes, qui tant qu’elles l’appelaient, surpassaient l’homme. »

(Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, 1910)

Madame Butterfly dresse l’un des portraits de femme les plus bouleversants de l’histoire de  l’opéra. Reprenant à David Belasco l’argument de sa pièce, inspirée elle-même d’une nouvelle de John Luther Long, Puccini et ses librettistes soignent d’emblée la caractérisation de l’héroïne éponyme et se départissent des aspects plus légers du personnage pour en exalter toute la dimension tragique. Pour accompagner le destin de la frêle geisha, Puccini signe, avec un sens exceptionnel de la coloration, une partition d’un extrême raffinement, poème de l’âme, stase lyrique qui sait aussi progresser dans le silence des mots. Suspendu à la détermination sans faille de la jeune fille et à l’annonce sans cesse différée de l’abandon, l’ouvrage se fend sur l’air « Un bel dì vedremo » (piste 9) où tient tout le drame de Madame Butterfly, amoureuse dont « la fatale identité » est d’être celle qui attend, qui s’absorbe et s’abîme dans le rêve, parlant toujours pour deux à la suite d’un duo où l’amour de Pinkerton s’est déjà épuisé. Pinkerton est son éternel point de fuite et si Madame Butterfly refuse de s’en détourner et s’en tient à regarder par les petits trous percés dans  la toile japonaise, c’est peut-être davantage par fidélité à elle-même qu’à l’étranger. Car que faire en effet s’il ne revenait pas ? Mourir, plutôt que de servir en geisha. À cet endroit, Butterfly ne s’illusionne pas et l’orchestre déjà s’était chargé de prémonitions, explosant à la fin dans un tutti immense, galvanisé par la puissance du dernier battement d’aile du papillon.  

Le parti pris

Minimaliste et épurée, la mise en scène de Bob Wilson porte à son paroxysme la dimension  intérieure du drame. Sur un plateau presque nu, le metteur en scène compose des paysages de lumière évoluant à mesure que l’action et les sentiments des personnages progressent.  Symbolisée par un tracé au sol, la maison et tout l’univers pittoresque de Butterfly – excepté le  tombé des costumes et les masques de craie –, s’effacent pour laisser s’y détacher les  silhouettes à la manière d’ombres chinoises, comme projetées par la seule force du désir de  l’héroïne. Dans cette stylisation des tableaux qui concourt à l’abstraction, l’œuvre de Puccini se  donne comme une véritable tragédie du regard et de son aveuglement. Orientés vers le public par la chorégraphie des corps, les regards ne se rencontrent pas, de même que les cultures et les visions des deux amants dans l’ouvrage, Pinkerton et Butterfly n’ouvrant vraiment les yeux sur l’autre que lorsqu’il est trop tard. Et c’est encore la vue de la véritable Madame Pinkerton qui fait office de révélation pour elle, lui ôtant pour toujours la possibilité de s’identifier comme telle et par là le rêve qui seul sous-tendait son existence. Maintenu dans un face à face troublant avec les personnages témoins auxquels le livret l’identifiait déjà, le spectateur assiste plus que jamais impuissant au solipsisme cruel de Madame Butterfly. 

Au cœur de la production 

Empruntant au théâtre , la direction d’acteur superpose à la musique une gamme de gestes  d’une pureté et d’une puissance symbolique idéalement convoquées par la pudeur même de  l’expression de Butterfly, par un livret et une partition qui rompent avec les excès du vérisme et se  réfugient dans les grâces de la miniature. Dans cette économie signifiante, l’existence de  l’héroïne reste suspendue à son chant, à cette voix dont Puccini maintient le souffle immense  jusqu’au terme de l’œuvre.  

TRAGÉDIE JAPONAISE EN TROIS ACTES, 1904

En langue italienne

Mise en scène

ROBERT WILSON / MARINA FRIGENI

Reprise (Création : 1993)

Direction Musicale

SPERANZA SCAPPUCCI

Distribution*

CIO-CIO-SAN

ELEONORA BURATTO / ELENA STIKHINA

SUZUKI

AUDE EXTREMO

F. B. PINKERTON

STEFAN POP

SHARPLESS

CHRISTOPHER MALTMAN

GORO

CARLO BOSI

IL PRINCIPE YAMADORI

ANDRES CASCANTE

LO ZIO BONZO

VARTAN GABRIELIAN

KATE PINKERTON

MARINE CHAGNON

YAKUSIDE

KIM YOUNGWOO

IL COMMISSARIO IMPERIALE

BERNARD ARRIETA

L'UFFICIALE DEL REGISTRO

HYUNSIK ZEE

LA MADRE DI CIO-CIO SAN

MARIANNE CHANDELIER

LA ZIA

LILIANA FARAON

LA CUGINA

STEPHANIE LORIS

Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris

2h45 avec 1 entracte

*pour les dates précises de distribution, se référer au site internet de l'Opéra national de Paris.

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