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L’essentiel
• Une des œuvres les plus populaires de Verdi, d’une grande intensité dramatique.
• Une mise en scène fine et intelligente, fidèle à l’esprit, sinon à la lettre, du livret.
• Une distribution qui fait place à une nouvelle génération de chefs d’orchestre et de chanteurs très talentueux : Domingo Hindoyan / Andrea Battistoni et Liparit Avetisyan / Rosa Feola.
« Comme nous nous ressemblons ! La langue, mon arme, le poignard, la sienne ! Faire rire les autres est mon destin – les faire pleurer est le sien ! … Les larmes, consolation du genre humain, me sont refusées… "Amuse-moi bouffon" - et je dois obéir. »
(Rigoletto, Acte I, scène 2)
D’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo. L’histoire se passe à la cour de Mantoue, au XVIe siècle : Rigoletto, bouffon du duc de Mantoue, élève en secret sa fille unique, Gilda. À la faveur d’un malentendu sur l’identité réelle de la jeune fille – elle passe pour être la maîtresse du bouffon dont on cherche alors à se venger – Gilda est enlevée par certains courtisans du duc et déflorée par ce dernier. Rigoletto, pour venger son honneur et celui de sa fille, confie à des spadassins le soin de l’assassiner. Hélas, Gilda, amoureuse du duc et ayant eu vent du complot, décide de se livrer elle-même aux mains des bourreaux. Rigoletto, impuissant face au mauvais sort qui le poursuit, n’aura pour seule consolation que de recueillir le dernier souffle de sa fille.
Rescapé de la censure et du scepticisme des critiques au moment de la création, Rigoletto constitue le premier volet de la Trilogie populaire à succès de Verdi, suivi en 1853 par Il Trovatore et La Traviata. L’œuvre amorce une transition dans la carrière du compositeur qui y plie l’écriture vocale et les éclats belcantistes aux exigences de l’action et de la caractérisation des personnages, annonçant les grands drames psychologiques à venir. À la suite de Hugo – et sous l’influence de Shakespeare dont il essayait dans les mêmes eaux d’adapter le Roi Lear – Verdi emploie sa palette à la recherche des vérités humaines contenues sous le masque du bouffon, révélant à la faveur de duos et d’un air déchirants, la figure d’un père affligé d’amour et de tendresse, dont les desseins de vengeance creuseront encore la sublime grimace. Lové dans ses contradictions et sa duplicité, le drame de Rigoletto se tisse et se dénoue dans l’enchevêtrement des voix contraires entre lesquelles il partage son existence : celle, pure, de Gilda, et l’autre, désinvolte et cependant entêtante – en témoigne la postérité de « La donna è mobile » (piste 22) – du duc. L’intelligence du théâtre et du chant triomphe dans la superposition des lignes mélodiques du célèbre quatuor du troisième acte (piste 23), certainement l’une des plus belles pièces d’ensemble de l’opéra italien, suivie de près par une tempête d’orchestre d’une noirceur et d’une intensité alors jamais observées chez le compositeur (fin de la piste 24).
« Triboulet a deux élèves, le roi et sa fille, le roi qu’il dresse au vice, sa fille qu’il fait croître pour la vertu. L’un perdra l’autre. […] Sans doute ce n’est pas à nous de décider si c’est là une idée dramatique, mais à coup sûr c’est là une idée morale. »
(Victor Hugo, Le Roi s’amuse)
Claus Guth reprend l’ouvrage là où Verdi l’avait arrêté en faisant de l’apparition d’un Rigoletto déjà brisé par le malheur, le point de départ de son spectacle. Conçue comme un flash-back, la mise en scène pose un regard nouveau sur la tragédie qui laisse le personnage ainsi démuni. Claus Guth y explore les thèmes du remord et de la responsabilité et invite à considérer, par-delà la puissance de l’imprécation du comte de Monterone et la récurrence du motif de la malédiction dans la musique et le livret, les effets d’une fatalité tout intérieure, indissociable des actes auxquels a consenti Rigoletto. La production le fait otage de sa conscience comme il l’était d’abord de ses compromissions et de ses lâchetés, si tant est que sa difformité lui ait laissé d’autres choix que la perversité dans l’ordre de la société qui l’emploie. Devrait-il alors paraître comme une victime impuissante, un jouet du destin, ou comme le responsable de la perte de sa fille, atteinte par le même mal qu’il encourageait plus tôt ? Claus Guth ne tranche pas et laisse les perspectives se mêler dans la coexistence bouleversante des avatars d’un rôle-titre dont le dédoublement dit l’irrémédiable fêlure et l’abolition consommée du pouvoir d’action.
La scénographie abrite le théâtre intérieur du rôle-titre dans l’espace confiné d’une boîte en carton, réplique agrandie de la boîte à souvenir dans laquelle le personnage conserve les reliques de son passé. Produits de la conscience du vieux fou, action et personnages prennent une coloration onirique qui enrichit l’interprétation de nouvelles connotations et éclaire la dimension pathologique de la relation père-fille suggérée dans le livret. Multipliant les niveaux de la mise en abyme et les références au monde du spectacle, la mise en scène accuse un univers de faux-semblants où l’être ne peut que s’abîmer dans le paraître, et l’individu dans l’identification mortifère à son masque social, qu’il soit par lui ou par les autres choisi.
MELODRAMMA EN TROIS ACTES, 1851
En langue italienne
CLAUS GUTH
Reprise (Création : 2016)
DOMINGO HINDOYAN / ANDREA BATTISTONI
IL DUCA DI MANTOVA
LIPARIT AVETISYAN / DMITRY KORCHAK
RIGOLETTO
ROMAN BURDENKO / GEORGE GAGNIDZE
GILDA
ROSA FEOLA / SLAVKA ZAMECNIKOVA
SPARAFUCILE
GODERDZI JANELIDZE / ALEXANDER TSYMBALYUK
MADDALENA
AUDE EXTREMO / JUSTINA GRINGYTE
GIOVANNA
MARINE CHAGNON
IL CONTE DI MONTERONE
BLAKE DENSON / DANIEL GIULIANINI
MARULLO
FLORENT MBIA
MATTEO BORSA
KEVIN PUNNACKAL
IL CONTE DI CEPRANO
AMIN AHANGARAN
LA CONTESSA DI CEPRANO
TEONA TODUA
USCIERE DI CORTE
JULIEN JOGUET / FABIO BELLENGHI
DOUBLE DE RIGOLETTO
HENRI BERNARD GUIZIRIAN
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
2h45 avec 1 entracte
*pour les dates précises de direction musicale et distribution, se référer au site internet de l'Opéra national de Paris.