Racines

La musique

De Tchaikovsky à Gershwin, les classiques enracinés dans nos mémoires enchantent les chorégraphes contemporains et se métamorphosent dans une rhapsodie bouleversante.

Thème et Variations

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Dans une scénographie toute balanchinienne (grands lustres dorés, arrière-plan uni et costumes scintillants), Thème et Variations rend hommage à la tradition académique russe dont le chorégraphe est l’héritier. Corps de Ballet, solistes, Étoiles : la démonstration technique s’appuie sur une structure d’une grande rigueur qui permet à chacun de briller. Mais la grammaire classique admet ici ses exceptions : dans les ports de tête, dans les épaulements, ailleurs dans le transfert du poids du corps. Plus qu’une anthologie des chefs-d’œuvre antérieurs et de leurs morceaux de bravoure (quelques références aux quatre petits cygnes ou encore aux six fées de La Belle au bois dormant), le ballet est un précis de la « méthode Balanchine », un manifeste virtuose, calé sur le crescendo du dernier mouvement de la Troisième Suite pour orchestre de Tchaïkovski. Toujours d’une grande musicalité, la danse de Balanchine pousse le vocabulaire classique jusqu’à ses limites, atteignant un niveau de complexité rarement égalé dans l’enchaînement et la précision des pas, le travail de pointes, de placement et de coordination. Une variation à l’américaine, sur les thèmes hérités des grands maîtres.  

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Rhapsodies

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Créée pour le ballet de Zurich pour le centenaire de Rhapsody in Blue de Georges Gershwin – sorte de « kaléidoscope musical de l’Amérique » qui marie l’héritage du concerto au jazz symphonique – la pièce de Mthuthuzeli November répond aux audaces du compositeur par une danse syncrétique où les influences de la danse urbaine et de la comédie musicale déjouent les codes du ballet classique. Souplesse et ancrage, fluidité et suspension, les corps épousent les inflexions de l’orchestre présent en fosse, sa liberté de ton, son exubérance (scènes d’ensemble aux accents tribaux) comme ses volte-faces oniriques (duos amoureux). La scénographie, dans laquelle les danseurs interagissent avec des cadres bordés de néons, rythme la succession des « instantanés de vie » qu’inspirent au chorégraphe les couleurs de la partition. Mthuthuzeli November avait d’abord pensé à « A portrait of us » pour le titre de ce ballet. Un portrait, un miroir à soi, une fenêtre ouverte sur notre diversité, sur l’ailleurs et sur l’avenir. 

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Corybantic Games

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En dernière instance, Christopher Wheeldon revient aux rites et à l’imagerie de la Grèce antique : la verve martiale des corybantes affiliées au culte de la déesse Cybèle et les poses anguleuses des athlètes peints sur les amphores. Mais la gestuelle s’hybride encore sous l’effet de la musique, Leonard Bernstein étant aussi éclectique dans ses sources que le Gershwin de Rhapsody, puisant au jazz, à la musique juive et au musical – une influence rendue manifeste dans le final du ballet. Percussive, grandiloquente, ou contemplative et tendre, la partition de Sérénade permet au chorégraphe de révéler l’ambiguïté des corps ou du regard qui les détaille, quand la puissance fantasmée ne fait qu’en appeler à une sensualité désarmée. Une tension encore suggérée par le jeu des lumières et des costumes tout en transparences et en fluidité. Au bas des jupons, comme les rubans noirs qui s’accrochent aux épaules, une fine ligne noire souligne d’un trait d’esquisse cette élégante statuaire, ici toute de « chair, de jeunesse et de vie ».

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