La musique

Dans notre playlist exclusive, Dawn Upshaw, Samuel Ramey et Grace Bumbry interprètent le diabolique opéra de Stravinsky, sous la direction de Kent Nagano.

L’essentiel

• Entre conservatisme et audace, tradition et modernité, The Rake’s Progress est un opéra incontournable du XXe siècle.

• Une mise en scène flamboyante, baroque et subversive, réservée à un public averti.

• Sous la baguette d’une cheffe, Susanna Mälkki, excellant dans le répertoire du XXe siècle, les débuts attendus de Stanislas de Barbeyrac en Tom Rakewell.

L’argument

Le sujet, inspiré à Stravinsky par une série de tableaux de William Hogarth (1697-1764), raconte le parcours d’un libertin, Tom Rakewell, qui vend son âme au diable (Nick Shadow) et bascule dans la folie après avoir subi de nombreuses déconvenues. Interné dans un asile, il reçoit la visite d’Anne, amante éconduite qui seule aura tenté de la sauver de lui-même. Il lui chante son amour et finit par s’effondrer, mort, sur sa paillasse.



L’héritage

« Le pas en arrière supposé du Rake’s Progress prend l’apparence d’un regard radical vers l’avant quand je le compare à certains récents opéras progressistes. »

(Stravinsky)

Empruntant au Così fan tutte et au Don Giovanni de Mozart – tant du point de vue musical que de l’écriture des situations dramatiques –, à Haendel, Purcell et aux maîtres italiens, Stravinsky signe une mosaïque néoclassique d’une grande inventivité harmonique, rythmique et coloriste. Dans un souffle continu qui excède les conventions de la forme « à numéros » qu’elle réinvestit pourtant, la partition mêle les genres et les registres avec une grande fluidité, servie par le livret du poète Wystan Hugh Auden, véritable bijou d’équilibre et de théâtralité. Sans verser dans le cynisme de Hogarth, peignant un Tom naïf plutôt qu’un héritier pervers, The Rake’s Progress prend ses distances avec le jugement moral des classiques et concilie le comique le plus irrévérencieux à des passages des plus intimes et des plus poignants, où priment la mélodie et le lyrisme. Explorant les thèmes universels de la liberté, du conflit entre désir et conscience qui la conditionne, de la rédemption et de l’amour, Stravinsky interroge les penchants de l’individu et la souveraineté de la raison à l’aune des « vertus » cultivées par la société d’après-guerre ; une société définitivement marquée, malgré son optimisme, par l’échec des utopies et la fuite dans le divertissement.

« Mais au final, est-il sauvé ? Est-il mort ? Est-il tout à fait perdu ? C’est un homme qui essaie - pas que par la débauche d’ailleurs, il essaie aussi par la vertu, ou par le projet politique, ou par l’idéologie [...] Essayer, voilà l’utopie politique. Voilà le XXe siècle qui cherche. »

(Olivier Py)

Le parti pris

Connu pour sa verve baroque, Olivier Py signe une production foisonnante où se mélangent les styles et les époques. Fidèle au livret, le metteur en scène travaille à la succession des tableaux comme autant de stations christiques et puise à la tradition symbolique des vanités pour évoquer la fuite du temps et la perdition du héros. Le metteur en scène fait progresser les personnages dans un univers sombre et assume une direction d’acteurs parfois explicite pour rendre l’atmosphère licencieuse de la fable. Par la force des images convoquées et un ajout au livret qui en approfondit les enjeux, Olivier Py parvient à convoquer un sentiment de tristesse et de tendre humanité jusqu’à un finale dont le dénuement fait l’intensité.

Au cœur de la production

Figurant d’abord deux plans d’action superposés, en haut le règne de l’amour et des vertus, en bas la tyrannie du pulsionnel, la scénographie évolue sous les feux de néons par le fait de tréteaux métalliques coulissants, dans l’enchevêtrement d’escaliers et de praticables à l’équilibre instable. Plongé dans une atmosphère de music-hall et de cirque, l’espace de jeu s’anime encore du mouvement d’une foule de saltimbanques décadents et de silhouettes pailletées, qui confèrent à la production tant ses aspects provocants que son émouvante étrangeté.

OPÉRA EN TROIS ACTES, 1951

En langue anglaise

Mise en scène

OLIVIER PY

Reprise (Création : 2008)

Direction Musicale

SUSANNA MÄLKKI

Distribution

TOM RAKEWELL

STANISLAS DE BARBEYRAC

NICK SHADOW

IAIN PATERSON

TRULOVE

CLIVE BAYLEY

ANN TRULOVE

GOLDA SCHULTZ

MOTHER GOOSE

JUSTINA GRINGYTE

BABA THE TURK

JAMIE BARTON

SELLEM

RUPERT CHARLESWORTH

KEEPER OF THE MADHOUSE

VARTAN GABRIELIAN

Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris

3h10 avec 1 entracte

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